Entre regards bienveillants et regards interrogateurs
Quand on est une famille qui ne rentre pas dans la norme, on sait qu’on peut facilement être jugé et observé.
Chaque lieu peut être un endroit où on devient la bête de foire, ou du moins susciter le questionnement. Il y a des lieux, des moments où nous sommes obligé de le dire et de l’assumer pleinement.
Cela ne nous a jamais posé de problèmes bien sur, mais contrairement à une famille nucléaire classique, nous sommes parfois obligé de préciser que nous sommes une famille.
Pour nous, la confrontation avec la vie sociale a commencé dans l’avion au retour en France, puis il y a eu les premiers rendez-vous chez le médecin, la nourrice, etc.
Nous n’avons jamais été franchement victime « d’homo-parent-phobie ». Parfois nous avons eu des regards, plus ou moins bienveillants (ou malveillants selon le point de vue), des questions « subtiles » (hum hum) sur l’absence « d’une femme ».
Nous vivons dans un milieu assez protégé, petite banlieue d’une ville moyenne, où nous sommes intégré depuis plusieurs années, avant même d’avoir des enfants.
Et puis, ça n’est pas écrit sur notre front que nous sommes une famille. L’un de nous pourrait très bien être l’oncle, un « pote ».
Mais nous n’avons pas fait d’enfants pour les autres alors nous ne décortiquons pas les regards des autres et nous restons naturels.
Cependant je dois l’admettre, un endroit me stressait particulièrement : l’école.
Déjà pour nos filles : une grosse confrontation à la réalité, elles rencontreront majoritairement des enfants qui ont un papa et une maman. Les questionnements des camarades. L’enseignant-e aussi, sera-t-elle ou sera-t-il ouvert sur le sujet ?
Est ce que autres parents interdiront de jouer avec nos filles ?
Dès leur naissance nous parlons à nos filles et expliquons que nous sommes une famille un peu différente que la majorité, elles l’ont toujours su, et ça ne leur a jamais posé problèmes.
Dans notre famille, les autres enfants trouvent notre situation tout à fait normal.
Lorsque nous avons été faire l’inscription de nos filles à l’école, en janvier de l’année de rentrée. Nous avons rencontré la directrice de l’école, c’était l’occasion pour moi de parler de mes craintes.
Nous avons été considéré comme n’importe quel parent. Je ne sais pas si c’était fait exprès pour montrer son accueil mais elle s’est réjouit à voix haute de pouvoir mettre « père 1 » et « père 2 » sur le logiciel d’inscription de l’école. Exprès ou pas, j’ai été rassuré.
J’ai quand même demandé s’ils avaient déjà eu une famille comme la notre, et la réponse a été positive ! Je me suis senti soulagé, cela voulait alors dire que l’équipe enseignante serait a priori enclin au sujet.
Le jour J de la rentrée
A l’approche de la première journée, l’angoisse. Toutes mes questions se sont bousculées dans ma tête. Mais quand il faut y aller…
Bien sur le premier jour, tous les autres parents étaient focalisés sur leur progéniture. Personne n’a vraiment fait attention aux autres.
N’empêche que la maitresse, nous a demandé, de dessiner notre famille avec nos enfants pour ensuite l’accrocher dans les couloirs de l’école. Première mise à nue.
Durant la semaine, chaque parent nous a découvert un peu plus et on a senti, quand même les regards s’appuyer sur nous.
On a ignoré.
De toute façon je ne vois pas ce qu’on aurait pu faire d’autre.
Surtout quand nos filles, heureuses qu’on vienne les chercher nous ont sauté au cou en criant « les papaaas » à tous les deux.
Et puis, au fur et à mesure du temps, comme tout le monde, j’ai commencé à discuter avec des parents, de choses toujours très banales, mais, je me suis rendu compte qu’on était considéré comme les autres.
Un jour, une de nos filles pleurait quand nous avons quitté la classe, et une maman en sortant nous a dit : « on est tous pareils, mais rassurez-vous ça ne dure jamais ».
Phrase à priori bateau, mais remplie de bienveillance.
Lors du premier rendez-vous avec l’enseignante, à mi-année, j’ai demandé s’il y avait eu des questionnements d’autres enfants, voire des réflexions de parents concernant notre situation familiale. Jamais. Elle nous a rassuré en nous disant que nous avions été identifiés comme les parents « des jumelles ». Comme les autres parents. Ni plus, ni moins.
Au fur et à mesure du temps, c’était assez drôle de voir certains enfants, copains avec nos filles nous interpeller « oh…il y a le papa Romain ! »
Une maman avec qui j’ai sympathisé, m’a confié qu’au début de l’année, lorsqu’elle nous a vu, elle nous a trouvé très beau et trouvait qu’on était un bel exemple. Quand je lui ai demandé ce qu’était un « bel exemple », elle m’a simplement répondu « un exemple d’amour pour les autres, voir deux personnes s’aimer, peu importe leur genre et être des parents aimants ».
Cela m’a beaucoup touché.
Concernant mes filles, l’une d’elle m’a rapporté qu’un enfant lui a demandé où était « sa maman ». Elle a simplement répondu qu’elle n’en avait pas, qu’elle avait 2 papas. Je crois que la réponse a convenu à cet enfant !
D’ailleurs, mes filles sont souvent invitées à des anniversaires de copains ! Elles sont la preuve, que les enfants, ne sont pas ceux qui jugent le plus.
Finalement aujourd’hui, je fais parti de ces parents qui discutent avec d’autres à la grille de l’école, qui s’impliquent – un peu – à l’école en accompagnant les groupes lors des sorties scolaires et qui préparent des gâteaux aux kermesses.
Les choses avancent et on ne peut que s’en réjouir
Quand on est une famille pas tout à fait comme les autres, c’est normal de parfois être soucieux du regard des autres.
Surtout dans notre cas, et les relents homophobes qu’il y a eu après certaines manifestations et événements. Cependant, les choses avancent.
Peut être que dans les années à venir les choses seront différentes et nous serons discriminés à l’école élémentaire, au collège…
Aujourd’hui nous préparons nos filles à être bien dans leur peau. Nous ne voulons qu’une chose : qu’elles soient épanouies !